Je corrige depuis plusieurs heures à la table du salon chez mon amoureux.
Il fait son potager, divise les framboisiers, replante les fraisiers, bine, ajoute du fumier, paille, etc...
Ce soir, nous allons au restaurant. Les journées avec lui me donnent de l'énergie. Quand je me retrouve seule chez moi, j'ai tendance à déprimer, une sorte de jet lag très inconfortable. Je m'occupe, mais ce n'est pas pareil. Nous nous habituons l'un à l'autre, je me projette chez lui, à l'avenir, car je m'installe petit à petit. Je me demande ce qui précède l'autre; un peu de déco et je me sens mieux ici, ou bien c'est parce que je me sens mieux, de plus en plus comme chez moi, que je ramène un peu de déco ? Je ne sais pas trop.
Les copies sont sur la table. Ces deux dernières années j'ai souffert au travail; dans l'exercice de mon travail plutôt que des conditions de travail, même s'il y aurait aussi à redire. Manque de légitimité dû à la suppression des épreuves de bac, problème dans l'appropriation des grilles de notation, contestations fatigantes des élèves de leurs notes. J'ai un peu perdu pied.
Dans le même temps, je prenais la mesure du poids d'instagram et de ses algorithmes, de l'addiction engendrée, qui me faisait peur. Fascination-répulsion, ça doit vous parler...
Je lie les deux seulement maintenant. Il doit y avoir un lien, entre cette souffrance et cette constatation que mon cerveau est grignoté par la présence excessive de l'application, des suggesions, des pubs. J'allais sur instagram pour souffler, pour m'évader, pour au contraire faire une introspection, mais tout semblait échouter. Je voulais être une meilleure prof, que ça se passe bien avec mes élèves, mais tout semblait échouer aussi.
Il y a donc eu un mouvement de la pensée, pour trouver une issue, c'est la simplification, et le ralentissement. Je suis une tête penseuse, je fais un métier intellectuel, la solution se trouvait dans la façon dont j'allais utiliser mon temps de pensée, ce joyau intime, précieux, si facilement écrasé par la vie moderne.
J'ai décidé, paradoxalement, de passer plus de temps sur mon travail. Mes copies, par exemple. Je me suis repenchée sur les grilles de notation, que j'ai tellement détestées. Elles ne sont pas parfaites, mais j'ai réussi à leur trouver un sens. J'ai également visionné sur Youtube des vidéos extras postées par une inspectrice d'anglais. Pas une coach en développement personnel. Une collègue, supérieure, savante, en qui je peux avoir confiance, qui donne des conseils sans injonctions culpabilisantes. Quel bonheur ! Je ne suis plus obligée d^'être parfaite, je ne suis plus obligée de me couler dans des justifications floues.
J'applique les préconisations, je les ai intégrées, car j'ai passé du temps à leur donner du sens, par moi-même.
Car il faudra tenir encore 25 ans. Peut-être que dans quelques années je prendrai un autre tournant, mais pour l'instant il me fallait bien vivre mon métier. Je l'aime. Je lui redonne une place centrale dans ma vie. Parce qu'une activité professionnelle, si elle est choisie, doit donner du sens à notre existence. Je ne voulais pas fuir, je ne voulais pas finir cynique, pleine de resssentiment, contre le plus beau métier du monde.
Je mets quelques mots sur les copies, des remarques justes, mais jamais cinglantes. Je prends de mon temps pour aider les élèves, chez moi aussi. Cela me fait du bien.
Les semis de tomates de mon chéri, une cinquantaine, poussent formidablement bien. Je les vois grandir à chaque fois que je reviens ici. Nous avons acheté un parasol pour notre salon de jardin. Tout avance, ça me ressemble, et ça me plaît.
Je vous souhaite un bon week-end pascal.
J’aime beaucoup ta réflexion sur la nouvelle façon dont tu appréhendes le métier. Concernant l’addiction à instagram ça fait écho très fortement. Ma coupure forcée de 2 semaines m’a fait le plus grand bien et j’ai trouvé un nouvel équilibre même s’il y a des rechutes. Par exemple, je n’ouvre plus l’appli le matin dans le bus mais en profite pour lire un article dans Libé. Bisous Marion
RépondreSupprimerFlo 💜
Oh moi j'ouvrais l'appli au réveil. Une plaie...tu as raison. Je tiens bon, j'aime cette échappatoire...mais je suis parfois en manque d'interactions quand même. C'est un peu chaotique tout ça. Quant au boulot, oui, je suis heureuse de trouver une porte de sortie sans changer de métier...
SupprimerJ adore te lire . Merci Marion
RépondreSupprimerMerci Maud <3
SupprimerC est Maud ☺️
RépondreSupprimerC'est très sympa ces petits billets! Je suis bien contente de te lire ici aussi. Bonne reprise Marion !
RépondreSupprimerCéline de Turin
Oui c'est un plaisir retrouvé. Et je ne cherche plus les "likes"; c'est très bien comme ça...chaque commentaire est d'autant plus précieux.
SupprimerEt voilà, je prends enfin le temps de rattraper mon retard et lire tous tes derniers billets. C'est un plaisir de retrouver tes pensées et réflexions pleines d'intelligence et de sensibilité, ce qui me manque beaucoup en ce moment au quotidien. merci Marion !
RépondreSupprimerMerci pour ton passage !! Ca me va, qu'on attende de prendre le temps. C'est un honneur pour moi.
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