mars 2019

Il y a deux ans...un peu moins. Je lis la carte mémoire de mon appareil photo et les souvenirs remontent. Il faut que je classe les photos, je ne suis plus sûre desquelles j'ai fait développer depuis.
J'aime bien cette photo pour les couleurs, le prosaïsme, ma chevelure si dense alors, et blonde.

Je me rappelle que c'était "l'année de l'agreg".
Je me rappelle que je me trouvais bien, malgré le gros stress et l'absence de vie sociale. Je ne faisais que travailler. Tous les jours, des heures durant. J'ai couru un marathon de septembre à juin. Ce fut une année extrêmement riche, sur le plan intellectuel, mais "blanche", sur le plan personnel. Je n'ai rien fait d'autre que ça. J'ai obtenu le concours, et ensuite, il a fallu reprendre le cours de la vie. Continuer de tout reprendre quasiment à zéro.

Je sais que j'ai une tendance à la nostalgie, au fait de trouver que c'était mieux avant...
Je m'essaye parfois alors à un exercice de "nostalgie anticipée", pour redorer un peu mon présent. Je m'imagine, plus tard, me disant que c'était bien, quand même, cette période que je vis là, mai 2021. Je suis dans mon appartement, refait entièrement maintenant, en grande partie par moi. Je suis en bonne santé. Mes enfants sont en bonne santé, je pense qu'ils sont heureux.

Je fais la liste de ce qui va, de mon enthousiasme pour mes lectures, un groupe de musique, des conversations avec des gens que j'apprécie. J'ajoute un bon repas cuisiné, le jardin au gré des jours où il ne pleut pas pour aller y faire un tour et savourer tout ce vert, les balades avec le chien dans le quartier. Les petits cadeaux que je me fais, un sac, du maquillage, des livres. 

L'autre jour une lectrice que je connais depuis très longtemps m'a écrit pour me proposer des livres, ayant appartenu à sa mère quand elle faisait des études d'anglais. Sur la photo, des couvertures aux illustrations désuètes de grands classiques de la littérature. Je les voyais très bien chez moi.
Et pourtant, je n'ai pas pu m'empêcher d'avoir un sourire jaune. Je me suis imaginée en parfaite caricature de la mamie, mais en "jeune". Je n'ai que 37 ans.
Je n'ai plus de vie affective. Le coronavirus a tué toute opportunité de rencontres dans un cercle plus large que mes collègues. Je souffre de solitude depuis quatre ans. Elle a été remplie, par l'agrégation, l'achat d'un appartement, le travail. Mais cette partie de ma vie, elle a disparu.
J'ai des sentiments mitigés. Je suis la femme que j'avais envie d'être, en tous points, sauf que je n'avais pas envisagé que ce serait ainsi, sans accompagnement. Etre une femme en pleine possession de ses moyens, qui tient les rênes de sa vie, mais qui ne suscite plus l'amour ni le désir. Il n'y a qu'un pas, ensuite, vers l'angoisse de rester comme cela jusqu'à la fin de mes jours, dans mon appartement cosy, entourée de mes livres, avec mon chien et mon tricot-tisane devant une série, le samedi soir.
Certains jours, je me demande quelle erreur fondamentale j'ai faite.
La seule que je vois, c'est de ne pas m'être assez écoutée, et pas assez exprimée, par le passé. Maintenant que j'ai appris de cette erreur, me voilà face au vide.
Même si on est qui on est, qu'on s'assume ainsi et qu'on en est fière, on n'est pas sûr d'être aimée.

Le chemin de la reconstruction d'un coeur brisé est très long. Cela va faire quatre ans. Forcément, un jour, j'y arriverai.

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